CA Lyon, 27 mars 2025 – Dans une décision récente, la Cour d’appel de Lyon est venue rappeler un principe fondamental des relations contractuelles : l’importance d’agir avec célérité, tant dans l’exécution des obligations que dans leur contrôle.
L’affaire opposait un franchiseur spécialisé dans la distribution de produits d’alimentation naturelle et biologique à l’un de ses franchisés, membre de son réseau comptant environ 250 établissements. Le contrat de franchise avait été conclu le 1er avril 2012.
Quelles obligations lors de la résiliation d’un contrat de franchise ?
Le 27 octobre 2015, pour une raison non dévoilée au débat, le franchiseur avait décidé de résilier le contrat avec effet au 31 décembre 2015. La clause de résiliation prévoyait une obligation de retrait immédiat de tous les signes distinctifs de l’enseigne, y compris le nom, le site internet et les inscriptions dans les annuaires comme les PagesJaunes, sous peine d’une astreinte de 300 euros par jour de retard.
Pourtant, ce n’est que le 3 mai 2019, soit plus de trois ans après la fin du contrat, que le franchiseur a fait constater par huissier le maintien de certains de ces signes, notamment l’enseigne et le référencement sur les PagesJaunes. Sur cette base, il a émis une facture d’astreinte s’élevant à plus de 300 000 euros.
Le tribunal de commerce, saisi dans un premier temps, avait largement réduit le montant à 41 400 euros, estimant la demande du franchiseur excessive. Ce dernier a fait appel.
En défense, le franchisé arguait que :
- les parties avaient entendu soumettre leur relation au code de déontologie européen de la franchise, qui implique des modes amiables de règlement des différends ;
- le franchiseur avait manqué à son devoir d’équité ;
- la demande était excessive, le contrat étant régi par les dispositions du Code de commerce art. L. 341-2, qui limitent certaines actions à un délai d’un an.
Le franchiseur répliquait pour sa part qu’il avait, de son côté, fait preuve de tolérance sur d’autres manquements du franchisé, notamment sur ses engagements d’approvisionnement, et que les clauses sur les signes distinctifs étaient claires, autonomes et non équivoques.
La justice appelle les franchiseurs et franchisés au bon sens
La Cour d’appel de Lyon écarte l’application des dispositions de l’article L 341-2 du code de commerce, rappelant qu’en l’absence de disposition expresse, une loi nouvelle ne s’applique pas aux contrats en cours. Elle ajoute que l’application de la clause litigieuse ne restreignait pas la liberté du franchisé d’exercer son activité après la fin du contrat et qu’en conséquence l’article L. 341-2 du Code de commerce n’aurait pu trouver application.
Sur le fond, la Cour rappelle que le code de déontologie européen, s’il promeut de bonnes pratiques, ne prévoit pas de sanctions juridiques en cas de manquement. Il ne peut donc fonder à lui seul l’irrecevabilité ou l’invalidité d’une demande en justice.
Cependant, la Cour sanctionne la lenteur du franchiseur : ce dernier ayant attendu plus de trois ans pour faire constater les manquements, elle estime qu’il ne peut réclamer l’astreinte pour toute cette période. Elle limite l’astreinte à la centaine de jours, couvrant l’intervalle entre le constat et la preuve de la cessation effective des manquements.
Une leçon de vigilance contractuelle
Cet arrêt vient opportunément rappeler que, dans les relations de franchise comme ailleurs, la diligence est une exigence réciproque. Le franchisé évincé doit cesser sans délai d’utiliser les signes distinctifs du réseau. Mais le franchiseur, s’il constate un manquement, ne peut rester inactif s’il veut exiger l’application par l’ancien franchisé des dispositions contractuelles relatives à la fin du contrat.
CA LYON, 3ème chambre 27 mars 2025 n° 21/04644