Lorsqu’une tête de Réseau est confrontée à une fraude ou une tromperie commise par ses franchisés, que peut-elle juridiquement entreprendre ?
Notamment, la commission d’une pratique commerciale trompeuse par son franchisé à l’égard de ses propres clients, peut-elle justifier la rupture du contrat de franchise par le franchiseur à ses torts ?
Si oui quelles en sont les conséquences ?
En l’espèce deux décisions rendues par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, et de Paris, dans deux types de réseaux totalement distincts, ( salles de sport ; commerces de montres) illustrent la réaction de la tête de Réseau, ainsi que ses conséquences.
En premier lieu se pose la question de savoir si la violation par le franchisé d’une obligation légale à l’égard de tiers ( ses clients), peut permettre aux franchiseur de rompre son contrat de franchise.
La réponse est positive pour les deux cours d’appel qui ont eu à se saisir de cette question.
Dans le cas d’espèce soumis à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le franchiseur tête de Réseau d’une salle de sport, avait constaté les pratiques frauduleuses de deux franchisés visant à solliciter de ses clients, la remise de chèques de caution, non datés, afin d’ encaisser lesdits chèques en cas de résiliation anticipée des abonnements , ou visant à ne pas enregistrer les résiliations sollicitées par les clients. Ces constats étaient corroborés par divers témoignages de salariés des franchisés en question et plaintes de clients.
Les juges ont alors retenu que le franchiseur avait eu raison de mettre un terme au contrat de franchise aux torts des franchisés, ne pouvant laisser perdurer des pratiques frauduleuses dans son réseau ; les juges ont toutefois considéré que le franchiseur aurait dû adresser une mise en demeure préalable à ses franchisés, en application de la clause résolutoire, ne tenant pas compte de l’argumentation du franchiseur indiquant qu’en cas de faute grave, une rupture immédiate du contrat de franchise pouvait être prononcée.
Les juges ont alors simplement repoussé la date de résiliation effective du contrat de franchise à un mois plus tard.
Les franchisés ont été condamnés à verser au franchiseur en application de la clause pénale l’indemnité contractuelle prévue.
Dans l’affaire jugée par La Cour de Paris, le concédant, qui avait donné une licence de marque à son licencié, pour la commercialisation de montres a de même été conforté dans sa décision de mettre un terme de façon anticipée au contrat de licence, alors que le licencié avait proposé à la vente sans son autorisation, les produits à un prix réduit de + de 70 %.
La cour d’appel de Paris y voit une pratique trompeuse à l’égard du consommateur (en l’absence de prix de référence permettant de justifier cette réduction prétendue), mais aussi en tire une conséquence à l’égard du concédant.
En effet, elle retient que si ces dispositions légales sont destinés à la protection du consommateur, elles sont invocables par le concédant, le manquement à une obligation légale de nature à jeter le discrédit sur des produits porteurs de sa marque, et, par association, sur son comportement à l’égard de la clientèle, pouvant caractériser une faute contractuelle, opposable au licencié.
Le Licencié est débouté de sa demande visant à obtenir restitution des sommes versées au titre du contrat résilié, et est au contraire condamné à verser au concédant la pénalité contractuelle.
Ainsi, la violation par le franchisé de ses obligations légales à l’égard de ses clients peut justifier la résiliation du contrat par le franchiseur, à la condition toutefois, que ce dernier démontre que cette violation a eu un impact sur lui, en l’occurrence une atteinte à l’image du Réseau.
Celle-ci pourra être démontrée grâce à des plaintes de clients, notamment.
Le franchiseur n’est donc pas désarmé juridiquement en cas de pratiques trompeuses commises par ses franchisés : il devra néanmoins s’assurer que la rupture du contrat soit mise en œuvre correctement , en tenant compte de la clause résolutoire existante au contrat de franchise, et devra justifier que la pratique dénoncée lui cause un préjudice.
Fanny Roy
CA AIX EN PROVENCE 2022/176 12 mai 2022
CA PARIS 22/ 12581 2 octobre 2024